En 2014, la France perd la branche énergie d’Alstom, l’un des piliers de son industrie. Créée en 1928 et devenue un acteur mondial dans son domaine, cette branche incarnait le savoir-faire français en matière d’énergie et d’équipements, notamment les turbines à gaz et à vapeur utilisées dans les centrales nucléaires et les sous-marins. Un secteur hautement stratégique pour la souveraineté nationale. Elle représentait 70 % du chiffre d’affaires d’Alstom, soit près de 15 milliards d’euros.
En avril 2013, aux États Unis, Frédéric Pierucci, cadre dirigeant d’Alstom, est interpellé par des agents du FBI. Il est incarcéré et interrogé pour sa participation présumée à des pratiques de corruption en Indonésie, survenues quelques années plus tôt.
Au même moment en France, une partie de l’élite industrielle et politique française tentaient de sauver l’entreprise. Mais Alstom, affaiblie par les poursuites judiciaires, la nécessité de rassurer ses actionnaires, de préserver son image et de préparer sa défense, a fini par céder à la pression. Elle accepte alors la vente de sa branche énergie à General Electric, le géant américain du secteur, pour 12,4 milliards d’euros.
Mais que s’est-il réellement passé ? En effet, derrière ce dossier judiciaire se cache en réalité une guerre économique, où l’information devient l’arme la plus puissante.
Les États-Unis ont réussi à collecter des informations juridiques, organisationnelles, technologiques et stratégiques sur l’Alstom et ses dirigeants. Ces données leur ont permis d’appliquer leurs lois dites extraterritoriales, d’engager des poursuites, d’imposer une amende considérable, puis de se positionner comme « sauveurs » en proposant leur aide, avant de racheter l’entreprise.
Depuis des décennies, les États-Unis collectent toutes sortes d’informations à travers le monde pour les exploiter à des fins politiques, économiques et militaires. Ils accordent à l’information une place centrale dans leurs stratégies, ce qui leur donne un avantage considérable sur le reste du monde.
En quoi l’information est un levier stratégique majeur pour les États et les organisations ?
L’information est l’Indication, le renseignement et la précision que l’on donne ou que l’on obtient sur quelqu’un ou quelque chose. Définition LAROUSSE.
Elle occupe la deuxième place dans le modèle DIKW. Autrement dit, l’ensemble de plusieurs données structurées constitue une information, et l’accumulation de plusieurs informations forme une connaissance.

La valeur d’une information pertinente au bon moment est inestimable. Elle devient encore plus précieuse lorsqu’elle est analysée, traitée et transformée en connaissance. Car elle permet de prendre les bonnes décisions au moment opportun.

Il existe trois types d’informations :
- Information blanche : elle est ouverte et accessible au public de manière légale, souvent gratuitement, dans des livres, la presse écrite ou sur des sites web, par le biais de recherches documentaires et de l’OSINT.
 - Information grise : elle est semi-ouverte mais légale. Il s’agit de notes techniques d’experts, de rapports non publiés, etc. Pour y accéder, un effort supplémentaire est nécessaire, par exemple via des entretiens, le réseautage, la participation à des salons professionnels ou des réseaux spécialisés.
 - Information noire : elle est confidentielle et secrète, comme les secrets industriels, militaires, politiques ou personnels. Les moyens d’obtention sont illégaux, par exemple l’espionnage, le hacking, la corruption, l’ingénierie sociale voire la torture.
 
Tout type d’information possède une valeur, qui peut toutefois varier selon sa nature, le moment et le contexte. Pour une entreprise, un organisme ou un État, l’information revêt des valeurs et des enjeux différents.
Pour un État, l’information a une valeur inestimable. C’est pourquoi chaque pays dispose de services de renseignement, dont la mission principale est de collecter, traiter, analyser et stocker des informations de toutes natures, sécuritaires, financières, technologiques, juridiques, politiques ou organisationnelles, sur les gouvernements, les entreprises, les individus ou les situations. L’objectif est d’avoir une connaissance complète afin de prendre les bonnes décisions au bon moment.
L’information pour, informer, former, éduquer, résoudre des problèmes, assurer la sécurité et même gagner la guerre.
Les médias utilisent l’information pour tenir le public au courant de l’actualité en temps réel, mais aussi pour influencer l’opinion publique.
Les réseaux sociaux collectent et exploitent les informations de leurs utilisateurs, et ils vendent ensuite aux grandes entreprises multinationales comme les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft). Ces données permettent d’adapter les offres de produits et de services, d’identifier des besoins potentiels, mais aussi d’analyser et dans une certaine mesure, d’influencer l’opinion publique, notamment celle des jeunes générations. D’autres entreprises, comme Palantir, ont également bâti des empires grâce à la vente de données, avec une valorisation dépassant 375 milliards de dollars.
L’éducation nationale. l’information et la connaissance sont à la base de tout progrès technologique, philosophique ou médical, grâce à l’éducation, la recherche et l’innovation. Des pays comme le Japon, la Corée du Sud ou d’autres ont investi massivement dans l’éducation et l’innovation. Par le passé, d’autres royaumes et empires ont également misé sur le savoir et la connaissance, comme le calife de Bagdad à l’époque de l’âge d’or de l’Islam, ou l’Égypte ancienne où Ptolémée II Philadelphe qui avait fondé la grande bibliothèque d’Alexandrie. Ces initiatives s’inscrivaient dans ce que l’on appelle aujourd’hui l’économie de la connaissance.
Disposer des bonnes informations sur le marché, les clients, les concurrents et d’autres facteurs est crucial pour l’activité et la survie d’une entreprise. Ces informations lui permettent d’anticiper les risques et les changements, de mieux s’adapter et de prendre un avantage sur ses concurrents.
L’armée utilise l’information pour simuler des scénarios de guerre, s’informer sur des situations en temps de conflit, développer et perfectionner des armes, coordonner des opérations, anticiper les mouvements de l’ennemi et assurer la sécurité stratégique de son pays. L’analyse des données permet également de prendre des décisions rapides et précises sur le terrain, minimisant les risques et maximisant l’efficacité des forces armées.
Finalement, l’information garantit la souveraineté numérique, économique, militaire, diplomatique et géopolitique. L’affaire Alstom n’est qu’un exemple parmi tant d’autres, illustrant que l’information n’est pas un simple flux neutre, mais un actif stratégique. Lorsqu’elle est bien exploitée, elle devient une arme politique redoutable, dont l’importance et l’enjeux sont comparables à ceux de l’énergie.
Les États-Unis ont très tôt compris la valeur stratégique de l’information pour la souveraineté nationale. Ainsi, le pays a mis ses 16 agences de renseignement au service de ses entreprises, collectant des informations en temps réel sur les hommes politiques, les cadres dirigeants, les investisseurs, les ingénieurs et toute personne clé ou influente au sein des grandes entreprises du monde.
Dans un monde où l’information est devenue un levier de puissance, la France est-elle prête à protéger sa souveraineté face aux grandes puissances ? Dites-le moi dans les commentaires.
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La manipulation sociale un moyen de contrôle de masse
L’information, un actif stratégique à haute valeur

