En 2003, Colin Powell, devant les Nations unies, présente à mains nues un flacon censé contenir de l’anthrax, pour illustrer la menace des armes de destruction massive en Irak.

Sans vérification, cette information, relayée massivement par des discours officiels, des dossiers gouvernementaux et des médias internationaux dans le monde entier, convainc l’opinion publique de la nécessité d’intervenir militairement. Quarante-neuf pays membres de l’ONU soutiennent l’invasion de l’Irak par les États-Unis, et plus de 1,5 million de civils ont perdu la vie dans cette guerre. Or, après l’invasion de l’Irak, il s’est avéré qu’aucune arme de ce type n’avait été trouvée. À ce moment-là, très peu de pays se sont opposés à cette guerre, comme la France, la Russie et la Chine. Mais dans l’opinion publique, les gens avaient peur d’en parler ou de dénoncer cette guerre, de crainte d’être traités de complices d’un dictateur souhaitant développer des armes pour tuer des innocents. Cet exemple démontre la difficulté de revenir en arrière une fois que l’opinion a été façonnée par une information, même fausse.
L’opinion publique, qui regroupe les convictions, valeurs, jugements, préjugés et croyances plus ou moins partagés au sein d’une société, constitue un enjeu essentiel pour tout gouvernement, qu’il s’agisse de finalités politiques, militaires ou économiques. Elle peut être créée, modifiée, évoluée ou être manipulée par l’information qu’une société consomme.
L’information est-elle un outil neutre de connaissance, ou un instrument de pouvoir capable de manier l’opinion ?
L’opinion publique vaut plus que tout aujourd’hui pour le bon fonctionnement de la sécurité, de l’économie et de la politique d’un pays. Les gouvernements doivent en tenir compte pour rester légitimes, car une politique rejetée par la majorité n’a plus de crédibilité, même si elle est techniquement juste. Elle est une force de pression sociale qui influence des décisions, soutient des réformes, mais peut aussi provoquer des mouvements sociaux et des manifestations parfois très violentes. L’opinion publique agit comme un moteur de changements, un contre-pouvoir capable de dénoncer les abus et de demander des comptes. Par conséquent, les gouvernements, les entreprises et toute autre organisation doivent s’adapter aux tendances d’opinions. C’est également un moyen de création d’une identité collective, permettant de décider ce qui est perçu comme normal ou inacceptable.
Autrefois, l’opinion publique était formée par les journaux écrits, les magazines, les radios, les films projetés dans les cinémas et la télévision. Aujourd’hui, ce sont les médias d’information et les réseaux sociaux qui jouent le rôle principal dans la création et la manipulation de l’opinion publique. Nous allons plutôt nous concentrer sur le rôle des médias d’information dans cet article.
Une opinion publique se crée en seulement quelques étapes :
- Tout d’abord, un fait, un problème ou un événement attire l’attention (crise sanitaire, réforme politique, scandale…).
 - Les médias choisissent de mettre en avant ce sujet et hiérarchisent l’information pour qu’elle paraisse plus importante et urgente. La manière dont ces informations sont présentées (les images, les mots employés, les métaphores) influe sur la perception.
 - Le sujet circule dans l’espace public à travers les médias et les réseaux sociaux et prend de l’ampleur grâce aux échanges, conversations et débats politiques animés par des experts, intellectuels, influenceurs et autres. Ces répétitions rendent le sujet plus familier et crédible.
 - Le public discute entre familles, amis, collègues et autres, et ces discussions renforcent la légitimité du sujet.
 - Petit à petit, les sondages, débats et actualités forment une tendance majoritaire et dominante, qui crée une opinion publique favorable ou défavorable concernant le sujet.
 
Cette opinion est souvent entretenue par des articles, essais, livres, reportages et documentaires, car elle n’est jamais figée et peut se modifier avec l’émergence de nouvelles informations.
Les médias d’information ont l’obligation de transmettre la vérité, car selon la charte de Munich : «Chaque journaliste doit respecter la vérité, quelles qu’en puissent être les conséquences pour lui-même, et ce, en raison du droit que le public a de connaître la vérité. Défendre la liberté de l’information, du commentaire et de la critique».
Cependant, l’information peut être présentée autrement pour faire paraître un sujet plus ou moins important ou choquant, afin d’influencer l’opinion publique. Une information formulée différemment, ou une image présentée sous un autre angle, peut provoquer des émotions et des réactions totalement différentes.
À titre d’exemple, dire « l’invasion de l’Irak par les États-Unis » ou « l’intervention des États-Unis en Irak » ne suscite pas la même perception. Le mot « intervention » fait paraître la guerre plus légitime et moins grave, tandis que le mot « invasion » place les Etats Unis en position de l’agresseur.
Autre exemple, une photo, deux angles de vue. Dans l’un, on voit le prince William faire un geste obscène, et dans l’autre, un geste tout à fait différent.

Bien que certains médias n’hésitent pas à manipuler l’information directement, les techniques d’influence et cognitives sont souvent utilisées par la plupart d’entre eux. Les réseaux sociaux, cependant, contiennent davantage de fausses informations, car contrairement à une chaîne de télévision, n’importe qui peut créer un compte et diffuser des informations erronées. Dans tous les cas, l’information circule de plus en plus vite, et les risques de manipulation sont plus fréquents. Les individus se méfient moins des médias classiques et leur accordent plus de crédibilité. L’exemple de la guerre en Irak par les États-Unis démontre comment une narration de menace imminente peut orienter les choix politiques et l’opinion publique.
C’est pour cette raison que la plupart des médias d’information sont détenus par très peu de personnes, et souvent les mêmes. Ces dernières ont le pouvoir de nous éduquer et de former nos opinions. Selon un article intitulé «Qui possède les médias en France», mis à jour en avril 2025, neuf milliardaires détiennent plus de 80 % des médias français. Et ce n’est pas un hasard : ils savent que détenir des médias, c’est détenir un pouvoir médiatique.
Ainsi, l’information n’est pas seulement un moyen d’informer ou de transmettre des connaissances, mais surtout de manier l’opinion publique. Selon vous, faut-il accorder une confiance aveugle aux médias d’information ?
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Article rédigé par Abdulilah Lafrai.
- Mensonges, guerre et vidéo. Documentaire sur la guerre en Irak : Lien
 
L’information, un actif stratégique à haute valeur
Introduction aux médias d’informations

